LE DOCUMENTAIRE
Storie est à nouveau sur la route, ici pour découvrir l'histoire de ces femmes qui ont trouvé refuge à la Maison de l'Espoir, Basha, et qui se forgent un avenir, pour elles et leurs enfants, fuyant la pauvreté, la prostitution et le trafic humain, à la seule force de leur talent, dans la fabriquation de couvertures brodées en coton recyclé, une tradition artisanale quasi millénaire inscrite au patrimoine de l'Humanité, et que l'on appele, Kantha.
HISTOIRE DE L'ARTISANAT
Ces créatrices cousent habilement des histoires dans le tissu de ces magnifiques textiles de la région rurale du Bengale occidental, en Inde.
Lorsque les tâches ménagères sont terminées, les femmes se regroupent et commencent à décorer les saris récupérés avec un simple point courant. Une technique et un artisanat connus sous le nom de Kantha, transformant chaque morceau de tissu ancien en une œuvre d'art et un élément du patrimoine artisanal.
Les jetés de lit kantha sont fabriqués pour donner une seconde vie à un sari bien aimé. Si ces vêtements précieux présentent des taches, des déchirures ou d'autres signes d'une vie antérieure, la propriétaire du tissu le vendra pour qu'il soit transformé et réutilisé, ou elle commencera à travailler sur le tissu elle-même.
Un kantha peut être simple, réunissant plusieurs saris vintage dans un joyeux cocktail de couleurs ; mais souvent, le travail est bien plus élaboré, avec de magnifiques motifs et images cousus au point courant du kantha, racontant l'histoire de rêves, de mythes et légendes locaux, de poésie et d'histoires d'amour.
Il s'agit d'un savoir-faire appris dès l'enfance par les femmes des régions rurales du Bengale occidental, de l'Orissa, en Inde, et du Bangladesh, et pratiqué depuis des générations. Il s'agit de l'une des plus anciennes formes de broderie de l'Inde, qui remonte à l'époque pré-védique (avant 1500 avant J.-C.).
La plupart des femmes qui pratiquent cet artisanat n'ont pas eu l'occasion d'aller à l'école ; traditionnellement, elles restaient à la maison pour s'occuper des enfants. La fabrication de kantha offre à ces femmes la possibilité de s'émanciper en acquérant une indépendance financière dans des régions où il est difficile pour elles de trouver un travail rémunéré.
Il était autrefois pratiqué par les femmes de toutes les classes rurales ; aussi bien la femme du riche propriétaire, que celle du métayer, elles passaient leur temps libre à travailler avec agilité sur ces couvertures complexes. Les kanthas n'étaient pas commandés par les nobles, mais plutôt transmis en patrimoine ou en dot de mère en fille.
Chaque pièce est unique en son genre. Ces textiles ne peuvent pas être produits en série, ils n'ont jamais été fabriqués pour le marché. L'artisanat est un charmant mariage d'économie et d'esthétique individuelle, et les petites irrégularités dans les coutures sont un rappel de l'histoire unique du textile.
L'un des défenseurs du kantha est Shamlu Dudeja, fondatrice de SHE (Self Help Enterprise), dont le travail vise à réinventer cet artisanat ancien, en l'aidant à évoluer pour devenir un produit de luxe. Elle explique que l'inspiration pour le kantha vient de la nature, avec le travail de l'oiseau taylor :
lorsqu'il avait besoin d'un nid, il assemblait deux feuilles, et avec son long bec, il arrachait quelque chose de l'arbre et cousait les deux feuilles ensemble.... les premiers hommes faisaient de même, et en utilisant le même point, les vieux tissus s'assemblaient.... Les femmes des villages (plus tard) portaient des saris en coton... elles prenaient trois saris, les plaçaient ensemble et utilisaient ce point de couture pour les maintenir ensemble. Les 3 épaisseurs rendaient ces tapis chauds et confortables, souvent utilisés pour les bébés, ou en hiver. Pour la peau des bébés, le vieux coton usagé est plus doux que le coton neuf.
Shamlu Dudeja soutient que les projets sur lesquels elle a travaillé ont donné à ces femmes rurales, un revenu, de l'espoir, et un nouvel élan pour l'avenir.
Ces femmes qui réinventent et revalorisent le précieux faire-savoir sont indispensables à sa survie. En soutenant les artisans, et en le mettant en valeur, Storie espère faire partie du mouvement de protection et de transmission de ce patrimoine artisanal et de ses créateurs.
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Sources
"The Art of Kantha Embroidery", by Niaz Zaman
"Kantha, Recycled and Embroidered Textiles of Bengal", Text by Rob Sidner, Courtney McGowen, Pratapaditya Pal and John Gillow. Published by Radius Books and Mingei International Museum
Interview with Shamlu Dudeja from Harvard Business school
https://www.hbs.edu/creating-emerging-markets/interviews/Pages/profile.aspx?profile=sdudeja
West Bengal Rural Craft Hub
Photo credits, SHE Foundation, Storie