Cette histoire commence par un nom qui résume parfaitement l'artisanat : Faso Dan Fani se traduit littéralement par « pagne tissé de la patrie ». Ce magnifique coton épais, tissé à la main est incontestablement emblématique du Burkina Faso. Un tissu porté par des générations de Burkinabé, un coton cueilli et transformé dans le pays, ainsi qu'un catalogue de motifs qui racontent l'histoire culturelle du pays.
Le Faso Dan Fani est facilement reconnaissable, il est présent partout au Burkina Faso. Les rayures chics en sont la signature, mais on peut parfois apercevoir des carreaux, des blocs de couleurs parsemés de motifs, des lignes éphémères brisées, ou une version totalement moderne de motifs traditionnels. Sa texture douce et dense est portée de nombreuses façons, le plus souvent comme un « pagne » décontracté autour de la taille, mais également transformé en robes, vestes et costumes. On le trouve empilé dans les magasins de tissus et tissé avec ardeur dans les centres artisanaux du pays.
Aujourd'hui, les Burkinabé sont toujours fiers de porter et d'utiliser ce tissu, sa qualité est renommée et il est très prisé. Sa production est d'une grande importance à la fois sur le plan économique et culturel dans le pays.
Le Faso Dan Fani utilise une technique de tissage artisanale vieille de plusieurs générations que l'on trouve en Afrique de l'Ouest, et comme pour tout textile artisanal, il possède sa propre identité distincte. Chaque motif est une histoire tissée, remplie de symboles. Traditionnellement, le coton était récolté, filé et teint par les femmes, puis tissé par les hommes ; mais aujourd'hui, à travers le Burkina Faso, le tissage est pratiqué par les deux sexes. Le textile est principalement tissé en bandes relativement étroites de pas plus de 30 cm (ou aussi peu que 15 cm) de large sur un métier à tisser horizontal.
Les longueurs de tissu sont ensuite cousues ensemble pour faire un "pagne", un vêtement enveloppant. Le Faso Dan Fani est mentionné dans les écrits d'anthropologues et d'explorateurs du 19ème siècle, et il était couramment fabriqué par les Mossi, le plus grand groupe ethnique du Burkina Faso.
Traditionnellement, le tisserand, un homme, est également un griot (un conteur traditionnel, un historien local). Plus qu'un simple producteur de tissu, il joue un rôle essentiel dans la transmission et le lien avec les divinités, et cela est commun à différents groupes ethniques. Alors que sa navette voyage d'avant en arrière, il tisse une histoire, il imprègne le tissu d'un sens qui résonne avec toute une mystique. Dans la mystique Dogon, le métier à tisser est dit être le corps d'un ancêtre divin. De la mâchoire et des dents (respectivement les lisses et le peigne du métier), vient le mot, divin. Le tissage est ancré dans un système de croyances et de normes riches et complexes. ” * Mariette Chapel de Afrika Tiss.
Malgré son importance culturelle, l'avenir du Faso Dan Fani n'est pas entièrement assuré. C'est une histoire commune à travers le monde alors que le coton tissé localement est menacé par des tissus importés moins chers. Aujourd'hui, au Burkina Faso, la menace vient principalement des importations asiatiques : même si de nombreux Burkinabé aimeraient acheter du Faso Dan Fani, c'est souvent simplement trop cher.
Le tissage du Faso Dan Fani est devenu un sujet d'importance nationale dans un pays qui exporte 95% de son coton brut (https://www.sicot-bf.com/). Si les processus de filage et de tissage peuvent être effectués dans le pays, cela a le potentiel d'apporter beaucoup de travail et de prospérité, sans parler de la fierté nationale.
Acheter ce tissu et soutenir l'héritage artisanal est d'une grande aide pour transmettre les connaissances de ces précieux métiers traditionnels et pour soutenir l'économie. Selon une récente réunion de producteurs de coton d'Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso n'est pas seul, et de nombreux autres pays de la région se retrouvent à exporter la majorité de leur récolte de coton et finissent par importer un produit fini en coton.
Il y a une volonté de corriger ce cercle vicieux de commerce, qui a été au centre des discussions lors d'une conférence consacrée à la transformation locale du coton en Afrique à Koudougou en janvier 2022.
Il existe de nombreux designers burkinabés et promoteurs de l'artisanat textile du pays, tels que François Yamégo qui se fait appeler François 1er, et qui est heureux d'être connu comme le roi de l'industrie du coton biologique du Burkina. Pour lui, la promotion du savoir-faire du Burkina Faso signifie "créer des emplois locaux, permettre à ces femmes de vivre dignement et lutter contre la transformation du coton à l'étranger". Il met en lumière ce trésor local qui a attiré l'attention d'une clientèle bien au-delà du Burkina Faso. Des designers internationaux tels que Stella Jean ont été séduits par le tissu et ont visité le Burkina Faso pour sélectionner les bons matériaux pour leurs collections de mode. De nombreux dignitaires internationaux, dont Nelson Mendella, ont choisi le coton du Burkina Faso.
Un sentiment de fierté envers ce patrimoine national n'est pas nouveau. Le chef révolutionnaire très apprécié du Burkina Faso, Thomas Sankara (de 1983 à 1987), en a fait un symbole de patriotisme, allant jusqu'à imposer un décret obligeant ses fonctionnaires à le porter. "Le port du Faso Dan Fani est un acte économique, culturel et politique de défiance contre l'impérialisme", a-t-il déclaré en 1986. Et aujourd'hui, de tels symboles restent importants, alors que le pays fait des efforts pour promouvoir et profiter justement de son riche patrimoine culturel.
SOURCES
Le Monde - François Ier, le roi du coton bio 100 % burkinabé
Business News - Success Story : Pathé Ouédraogo, le styliste burkinabè qui a habillé Nelson Mandela
Tissus et artisans du monde - GISELE, THE DYEING QUEEN
2021. Fortin. L’habit ne fait pas le genre. Fabrication textile et rapports de genre au Burkina Faso. Antipodes, Annales de la Fondation Martine Aublet. 15 décembre 2021. Revue antipodes - L’habit ne fait pas le genre. Fabrication textile et rapports de genre au Burkina Faso - Laura Fortin
Rfi.fr - Au Burkina Faso, l'industrie coton-textile est encore à la peine
Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
Le Point - Burkina Faso : le retour en force du « faso dan fani